mercredi 27 août 2008

Mardi 19 aout 2008: Soirée filles!

Ce qui est "bien", ce qui ne l'est pas. Pour lutter contre l'idée de ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, nous avons testé pour vous un total laché prise de mères de famille quadragénaires le soir du 19 aout 2008.

Véronique et Yolaine, les deux sœurs croisées au hasard d’étés adolescents, avaient entamé la conversation avec moi au bord de l’eau et leur enthousiasme et leur sourire étaient rapidement à bout de mon habituelle réserve. Nous avions projeté une « soirée nanas », dans un avenir proche, unanimement d’accord pour associer l’autre Véronique (que je surnommerai Véro) à nos pérégrinations nocturnes.
Le fameux soir venu, sans hésitation, j’ai opté pour le noir côté fringues et bijoux en argent. Juste un trait de crayon sous les yeux. Je suis arrivée chez les frangines vers 20H15, un quart d’heure plus tôt que prévu mais mon impatience n’était pas domptable davantage !
Véronique s’est occupée de me faire visiter les lieux. Je l’ai trouvée juste magnifique avec ses longs cheveux attachés en queue de cheval et ses grosses boucles d’oreille créoles en argent. Je me disais que si j’étais un mec (oui je sais je pense souvent ce genre de truc…) je serai tombé instantanément fou amoureux de cette sauvage et généreuse Véronique. Yolaine nous avaient rejoins. Cachant sa sensibilité derrière un sens de la répartie légendaire, championne internationale du lâcher prise, j’aimais son intelligence et son humour. Je ne savais rien d’elle. Tellement discrète sur sa vie, la jeune frangine ! J’étais là, chez elles, assise sur un transat de leur terrasse comme si j’étais une grande habituée des lieux alors que c’était la première fois que je découvrais leur maison, depuis plus de vingt ans que je les connaissais. Je n’en étais pas étonnée. C’était cet été là, ce soir là, que je devais être là. Avant, cela n’aurait pas eu le même sens.
Nous avons bu une bouteille de rosé en parlant de nos recherches, nos peurs, nos aspirations.
Nous attendions Véro, sans nous inquiéter outre mesure, compte tenu de ses légendaires retards…Au bout d’un temps qui avait largement dépassé l’heure réglementaire, nous avons téléphoné chez la quatrième luronne pour apprendre qu’elle nous attendait au resto !
« Nous prenons quelle voiture ? »
« La mienne. » Le ton de Véronique n’admettait aucune discussion.
J’ai eu presque honte de poser la question…La décapotable bien sûr !
Nous voilà, cheveux au vent, de plus en plus certaines de la réussite de cette soirée.
Véro lisait, les lunettes sur le nez, assise à table. Un livre écrit en anglais !
Elle venait de passer un an aux States ! L’émotive, la fragile et instinctive Véro. Les cheveux non séchés noués en un rapide chignon, un maquillage extra léger, le tout s’éclipsant derrière son lumineux et irrésistible sourire.
« Dîtes les filles, regardez ! Black and white ! » Effectivement Les sœurs, côte à côte, qui avaient opté pour une tunique blanche soulignant leur généreuse et sensuelle poitrine faisaient face à nos deux chemises noires grandes ouvertes sur pas grand-chose….






« Excusez moi les filles, Xavier m’a offert l’apéro, je ne vous ai pas attendues ! »
« T’as bien fait, nous avions peur d’avoir pris de l’avance avec notre rosé. »
J’aimais nos rires à gorge déployée, de ces rires sans retenue, qui fusent à la limite d’une invitation au plaisir. Tant de femmes ne savent pas rire, où ne s’autorisent que quelques gargarismes discrets, la main devant la bouche…
« Vous ne trouvez pas qu’ils sont super calmes les gens ? »
« C’est vrai, ils ont l’air tous endormis »
« Le resto est plein et on entend que nous… »
« Peut-être que Xavier leur verse du somnifère dans leur rosé pour être tranquille »
« Oui ben nous va nous en falloir pour nous calmer ce soir ! »
Xavier, le proprio du resto était un copain d’enfance de nous quatre. C’était un pèlerinage d’aller au moins une fois dans l’été dîner chez lui.
Nous avons chacune abordé un sujet douloureux sous une écoute particulièrement empathique des trois autres ! Les larmes succédaient aux rires sans transition et j’aimais la sensation de me sentir, avec elles, à l’intérieur d’une bulle de chaleur et d’énergie.
Nous avions souffert, nous souffrions mais nous étions là, ensemble avec une gourmandise de femmes pour les choses de la vie, nous étions des guerrières, des insatiables, des âmes juste animées du désir de partager l’Essentiel, sans faux semblant, sans far, ni mensonge….Nous avions ouvert la porte du domaine émotionnel inaccessible à tout spécimen muni d’une queue entre les jambes et nous étions bien !
Je n’ai pas vu le temps passer. Le serveur venait vider les cendriers et remplaçait la bouteille de rosé dès qu’elle était vide. Il n’arrivait pas à nous interrompre pour nous demander le dessert. En désespoir de cause, il envoya sa collègue : une petite nana pour en interrompre quatre géantes. Elle s’y est reprise à trois fois mais elle a fini par capter trois secondes de notre attention, autrement dit le temps exact qu’il nous a fallu pour ligne la première ligne de l’ardoise et s’exclamer d’une seule voix : « crème brûlée » et d’éclater de rire de constater que nous n’avions ni les unes, ni les autres eu envie de lire les dessert suivants.
Mais nous devenions trop bruyantes. Xavier nous a servi une histoire abracadabrante de chasse au sanglier pour essayer de nous faire baisser le ton. Devant son échec, il eut recours à l’ultime solution avant le renvoi définitif : le changement stratégique de place. Pour cela il n’a pas hésité à nous appâter un alcool de myrte. Il appela un de ses copains à la rescousse, conscient qu’il ne viendrait pas seul au bout de quatre filles aussi déchaînées que nous l’étions. Ce malheureux a eu la très mauvaise idée de venir s’asseoir à notre table avec des feuilles de sécu à la main.
« T’es malade ? »
« T’es en arrêt ? »
« Depuis longtemps ? »
« Dis nous merci, nous qui travaillons pour toi ! »
« Range tes papiers, ça nous rend nerveuse ! »
« Pourquoi tu nous emmènes un mec malade Xavier ? »
« On a des têtes à se payer des malades ? »
Le bonhomme s’est éclipsé rapidement.
« Tu vois Hélène, on les fait fuir les mecs ! » me dit en douce Véronique.
Bon c’est vrai qu’à celui-là, on avait sorti le grand jeu, il ne pouvait pas lutter !
Nous étions folles, nous étions excessives et c’était bon.
Véro et Yo choisirent d’aller pisser dans l’ancienne guérite au bout du jardin qui était prévu à cet effet à l’ouverture du resto.« Oh les filles, ho, où est ce que vous allez ? Les toilettes ne sont pas là ! » S’inquiéta le maître de Céans.
« Oui on sait mais nous, on aime bien pisser dans la cabane au milieu des branches ! »
En voyant Xavier les accompagner, je me suis demandée si c’était pour qu’elles ne partent pas « en live » où reluquer ce qui pouvait l’être.
A leur retour nous fûmes conviées à rejoindre notre voiture et à l’attendre en bas de la route. J’attrapai un verre et la bouteille de rosé. Yo embarqua un autre verre. Je n’aurai pas dû. Reprendre du rosé après quelques verres de myrte infligeait à mon estomac une épreuve auquel il n’était nullement préparé. Mon cerveau est devenu brumeux. Xavier nous a rejoint en nous engueulant qu’on nous entendait d’en haut.




Et nous sommes partis à la recherche d’un truc encore ouvert. Dans la voiture Yo et moi, à l'arrière, faisions tourner les verres. J’éprouvais une sorte de respect pour Xavier du genre : « Il en a pour ne pas fuir devant nous quand même ! »Arrivés au Rustica, j’ai remarqué que je ne marchais pas normalement et qu’il valait mieux ne pas envisager d’entamer une rando.
Dans ce bar, nous avons aussi eu le droit aux remarques du patron. Nous étions décidément, définitivement trop bruyantes. Un homme se réclamant de la mafia Corse vint se joindre à nous. Les mots « protection », « paillotte » et « peur » "balles", parvenaient décousus dans la zone d’analyse auditive de mon cerveau qui avait placé trop de neurones en léthargie pour que tout cela ait un sens. Je regardais, sidérée, les sœurs tenir la conversation avec le dit monsieur, bien droites sur leur tabouret comme s’il s’agissait une soirée sobre. Leur origine russe sans doute. Ce qu’avaient ingurgité leurs ancêtres mettait à l’abri les générations suivantes des cuites de tout acabit. Véro semblait en être au même point que moi c'est-à-dire prête à rendre les armes. C’est ce que je fis sur la plage la plus proche. Je pensais avec tristesse que je n’avais même pas eu le loisir de tremper mes lèvres dans le mojito offert. Dans un semi coma, j’ai appelé au secours mon fils et j’ai mis au moins vingt minutes à écrire un texto aux copines pour leur dire de ne pas s’inquiéter. Je ne voulais pas leur infliger le désastreux spectacle d’une Hélène vomissant ses boyaux. Plus tard j’ai réalisé avec un sous entendu de Yolaine, que les violentes expulsions dont j’avais été le siège cette nuit là et toute la journée du lendemain m’avaient certes permis d’évacuer le trop plein d’alcool mais aussi bien autre chose de plus enfoui, une sorte d’encre de pieuvre noire, nichée dans mon estomac depuis la mort de Marti, et qui semblait avoir enfin agonisé grâce à tous les mots extériorisés ce soir-là dans un climat d’amour et de confiance.
On ne se reverra peut-être pas avant des années. Cela ne nous a pas empêchées de donner le meilleur de nous même, l’espace d’une soirée, comme des vraies filles que nous étions!

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